mercredi 28 mars 2018

Nouveau Mexique - Gila et le mystère des momies disparues

Après White Sands, direction Gila Cliff Dwelling National Monument, un site d'habitations indiennes à flanc de falaises dont j'avais lu des descriptions intéressantes avant de partir. Il y a quatre bonnes heures de route pour rejoindre Gila et probablement pas d'hébergement à proximité, nous procédons donc comme nous en avons l'habitude : on roule autant que l'on peut et sur le coup de 17-18 heures on cherche un motel via Booking.com. Nous passerons la nuit à Deming.
Mexican Spotted Owl
Le lendemain, il nous faut encore plus de deux heures de route pour finalement arriver à Gila. Le site principal avec les habitations indiennes n'est pas très grand, il y a essentiellement cinq cavités dans la falaises qui ont été aménagées par les indiens Mogollons (prononcer MogoYons). Dans la première partie du sentier, nous nous rendons compte qu'un couple est en train d'observer quelque chose que nous ne remarquons pas immédiatement, mais très vite nous apercevons une magnifique chouette dans un arbre tout près du chemin. Le couple nous indique qu'il s'agit d'une "Mexican Spotted Owl" (Strix occidentalis lucida), Patricia engage la conversation pendant que je prends plein de photos de ce superbe oiseau. Le couple se révèle être des passionnés d'ornithologie qui ont l'habitude de parcourir les parcs américains pour observer la faune. Ils nous expliquent, "bible" Peterson à l'appui, que cette chouette est très inhabituelle à cet endroit. C'est vraiment un chance pour nous d'être tombé sur des ornithologues passionnés car vue la couleur de l'animal qui se confond parfaitement avec les arbres, il est fort probable que nous ne l'ayons pas repéré.
Nous continuons la petite ascension vers le site principal et nous apercevons rapidement les constructions indiennes dans des alcôves à flanc de falaise. Bien que nous ayons déjà vu ce genre d'habitations à plusieurs reprises, nous sommes toujours impressionnés par la visite d'un nouveau site.
Dans les cinq excavations naturelles les Mogollons ont construit une quarantaine de pièces, certaines sont de simples greniers à grains, d'autres plus élaborées, parfois sur deux étages, servaient d'habitations. Il y a également une Kiva de forme inhabituelle (rectangulaire) qui avait probablement une fonction à la fois religieuse et sociale. Nous sommes toujours surpris par la qualité de ces constructions en pierre dont les murs intérieurs étaient soigneusement enduits et décorés par les femmes. 
Arrivés dans la première alcôve, nous trouvons un jeune "ranger" passionné qui nous donne plein de détails sur le site et voyant que nous sommes aussi passionnés que lui, nous montre des pictographes pas très évidents à repérer. Il nous emmène également voir une toute petite perle de pierre trouée en son centre ainsi qu'une pointe de flèche en obsidienne cachée sous une pierre. 
Le "ranger" nous confirme aussi ce que nous soupçonnions, à savoir qu'une partie des murs a été reconstruite. Le site a en effet été visité au 19 ème siècle par des personnes peu scrupuleuses qui n'ont pas hésité à casser les murs et à fouiller les lieux à la recherche de poteries et autres reliques. Outre ce vandalisme stupide et cupide (car les poteries ont bien sûr été vendues), le problème est que la reconstruction n'a pas toujours été très bien faite.  Le guide nous montre d'anciennes photos qui nous permettent de nous faire une idée plus précise des constructions originales. Le site, bien que très intéressant, surtout avec les explications du "ranger", nous laisse un peu sur notre faim et n'a pas la même magie que ceux que nous avons vus dans l'Utah l'année passée.
Comme à chaque visite, nous avons beaucoup de questions. Par exemple, pourquoi les Mogollons se sont-ils donné le mal de construire de telles habitations vers 1270 comme l'atteste l'analyse des troncs ayant servis de poutres, pour finalement quitter les lieux une vingtaine d'années plus tard ? La chose curieuse est d'ailleurs que toutes les habitations troglodytes  des "Four Corners" ont été abandonnées sur une période de 70 ans et les peuples se sont dispersés. L'explication la plus souvent donnée est l’occurrence d'une sécheresse persistante. Nous nous sommes aussi rendu compte qu'il est difficile de trouver des informations fiables allant au delà des quelques paragraphes écrits sur les brochures distribuées dans les "visitor centers". 
La Kiva
Nous avons l'impression persistante qu'on ne présente au public qu'une petite partie des sites et que d'une manière générale il y a un gros déficit d'études scientifiques. Nous savons par exemple que le site de Gila est occupé depuis 10,000 ans, les grottes ont d'abord servi d'abris de chasse et l'occupation par les Mogollons, bien qu’impressionnante au niveau des vestiges, ne représente en fait qu'une infime partie de l'histoire des lieux.
Une surprise viendra après notre retour en cherchant de la documentation pour rédiger cet article de blog. On apprend ainsi dans un document sur le site du National Park Service, qu'entre 1879 et 1889 trois momies d'enfants auraient été découvertes et envoyées au Smithsonian, mais que l'institution n'aurait jamais reçues. En 1912 une quatrième momie d'enfant aurait été trouvée et cette fois ci bien réceptionnée par le Smithsonian. Malheureusement, comme l'indique cet autre site, on ne trouve pas trace aujourd'hui de la momie dans l'inventaire du Smithsonian. La seule mention d'une momie qui pourrait correspondre, concerne le United States National Museum, affilié au Smithsonian entre 1881 et 1911 (notez l'incohérence des dates !). Depuis, plus de trace des momies... Peut-être que l'une d'entre elle est remisée dans un obscur sous-sol de la prestigieuse institution et refera surface un jour... 
Pictographe à Lower Scorpion Campground
Arrivés à la fin de la visite, le ranger nous indique un autre site tout proche au "Lower Scorpion Campground" avec quelques constructions dans des falaises et des pictographes. Il nous confie aussi que d'autres vestiges se trouvent quelque part sur les terres publiques gérées par le Bureau of Land Management (BLM) et que rien ne nous empêche de les chercher... Malheureusement nous savons bien que se lancer à la recherche de sites archéologiques sans indications initiales est mission impossible, nous repartons donc pour la suite du voyage avec une étape nocturne à Silver City dans un Motel sans prétention, tenu par un couple de japonais plutôt sympas. D'une manière générale, les villes du Nouveau Mexique ne sont pas exceptionnelles et ressemblent bien souvent à une grande zone commerciale où les fast-foods se succèdent.
Ruine troglodyte à Lower Scorpion Campground


L'ensemble des photos de Gila et des environs est visible ici.

dimanche 4 mars 2018

Nouveau Mexique

Réinstallés en France depuis un peu plus de deux ans, nous avons de temps en temps l'occasion de retourner aux États-Unis et nous en profitons pour visiter une région à la recherche de beaux paysages, si possible dans le désert, et de vestiges indiens. L'an dernier, nous étions parti en voiture de San Francisco vers les "Four Corners" c'est à dire les quatre états dont la frontière commune est un point : Utah, Colorado, Arizona et Nouveau Mexique. Nous avions en fait essentiellement passé du temps en Utah, notamment vers "Bear Ears National Monument" où nous avions vu des habitations indiennes dans les falaises (Cliff Dwelling) très peu connues et absolument extraordinaires. Cette année le but était de se concentrer sur le Nouveau Mexique.



Étant donné qu'il faut compter environ 16 heures de route pour aller de San Francisco à Albuquerque, nous avons opté cette fois pour un voyage en avion complété par une location de voiture à Albuquerque. En comptant le coût du carburant et de l'hébergement, c'est finalement à peine plus cher que de faire le trajet en voiture et cela permet surtout de maximiser le temps sur place. 
La carte ci-dessus montre notre périple. En tout, un peu plus de 2000 km en 10 jours, ce qui peut paraître beaucoup, mais est en fait habituel pour un voyages aux États-Unis.
Le fait de partir en hiver nous permet de faire des randonnées qui seraient très difficiles voire impossibles en été, ces régions sont en effet désertiques avec des températures et une sécheresse qui peuvent devenir extrêmes. Le risque d'un voyage en hiver est par contre de rencontrer de la neige et de ne pas pouvoir accéder aux sites, il vaut donc mieux prévoir des itinéraires de remplacement et être prêts à changer de plan.
Hauts plateaux à plus de 2000 m et canyons typiques du Nouveau Mexique
L'autre avantage d'aller dans ces régions en hiver est d'être pratiquement seuls à visiter les parcs.
Le Nouveau Mexique a une altitude moyenne de 1735 m, c'est en fait essentiellement un haut plateau creusé par des canyons. Nous étions surpris lors de nos premières randonnées d'être facilement essoufflés, nous avons alors réalisé que nous étions la plupart du temps autour de 2000 m. C'est perturbant car les paysages à cette altitude aux États-Unis n'ont rien à voir avec ceux que nous connaissons dans les Alpes. Les grands arbres sont encore bien présents à plus de 2000 m et il n'y a bien entendu pas d'alpages !
Bien plus qu'en Californie, au Nevada, au Colorado ou en Utah, au Nouveau Mexique nous sommes sur des territoires indiens chargés de culture et d'histoire. Une sorte de point de rencontre (de choc...) des civilisations indiennes, et espagnoles, puis plus tard des colons venus de l'est. Plus qu'ailleurs, nous étions au Far West ! 

Première étape : White Sands National Monument

Descendus de l'avion nous avons tout de suite filé vers le sud, pratiquement à la frontière mexicaine. Nuit à Alamogordo afin d'être dès le lendemain matin à White Sands, un désert de gypse d'un blanc éclatant, c'est le plus grand des trois seuls déserts blancs au monde. Il faut en effet des conditions très particulières pour que le gypse s'accumule par ruissellement le long des montagnes environnantes, qu'il se transforme en sable par abrasion, puis surtout qu'il reste en l'état, grâce à une humidité minimale.
Le monument national de White Sands jouxte la base militaire d'essai de missiles, cela vous dit d'ailleurs peut-être quelque chose, car c'est ici qu'à eu lieu l'essai de la première bombe atomique américaine "Trinity". L'accès au parc peut d'ailleurs être fermé lorsque les militaires procèdent à des essais. 
Arrivés au point de départ de la plus longue randonnée du parc qui mène au site de "Alkali Flat", nous sommes tout de suite mis en garde par des panneaux sur les dangers du lieu; il peut faire évidemment très chaud et le risque de déshydratation est réel, l'endroit avait d'ailleurs fait la une des journaux en 2015  quand un couple était mort déshydraté tout près de leur voiture, leur fils s'en était tiré de justesse. Les panneaux attirent aussi l'attention sur les risques de se perdre, sur le fait qu'il ne faut pas compter sur le GPS car parfois les militaires brouillent le signal et mettent en garde contre les diverses pertes d'objets dangereux par les avions qui survolent ! (toujours envie de visiter ?...). Le risque de se perdre est réel, tout est blanc, minéral, quasiment sans végétation et la chaleur, même en février, est intense dès que le soleil perce les nuages.
Le paysage est époustouflant, étonnant, grandiose... On progresse de dunes en dunes en suivant attentivement le cheminement indiqué par des poteaux du même genre de ceux qui marquent les pistes de skis. Les dunes se déplaçant au grès du vent, certains poteaux sont pratiquement recouverts. Dès qu'on s'éloigne du parking, il n'y a plus personne, seule la ronde incessante des jets - pénible parfois - nous rappelle qu'on est bien sur Terre !
En quelques rares endroits, des monticules formés par du gypse un peu plus dur offrent une protection contre le vent ainsi qu'un peu d'ombre et permettent à la végétation de pousser. L'eau n'est parait-il pas très loin sous la surface. Au fil des millénaires, la végétation des déserts de sable s'est adaptée afin bien sûr de résister à la sécheresse et aux températures extrêmes, mais aussi à l'érosion qui vient sapper le sable et met à jour les racines. 
Nous sommes toujours surpris de voir à quel point la vie est résiliente et s'accroche même dans les endroits les plus minéraux qui soient.
Après 1h30 à progresser difficilement dans les dunes (et à s'amuser dans le sable) on arrive finalement à Alkali Flat, une immense étendue plate, les dunes ne se forment pas ici. Nous savons que plus loin, beaucoup plus loin, se trouve le lac Lucero, qui parfois se couvre encore d'un peu d'eau, il y a là des dépôts de sélénite, minéral splendide à la transparence éphémère. Malheureusement c'est hors de notre portée pour ce voyage, il aurait fallut réserver une visite avec les rangers du parc.

L'après-midi, nous avons visité d'autres  parties de White Sands plus faciles d'accès. La zone qui se trouve juste à la limite du désert est particulièrement intéressante pour la flore (et sans doute aussi pour la faune que nous n'avons pas vue). Le ciel tout autour est devenu noir et menaçant, le désert blanc était comme préservé au milieu des gros nuages. Le contraste entre le noir du ciel et le blanc du sable était vraiment saisissant.
En fin d'après-midi, nous sommes repartis pour la suite de nos aventures.


L'ensemble des photos est visible ici en pleine résolution.