dimanche 20 octobre 2013

Government Shutdown

Parfois en tant qu'expatriés en Californie nous sommes témoin d'événements qui nous montrent à quel point le fonctionnement de la société aux États-Unis est différent de celui que nous connaissons en France. Ce fut le cas ces deux dernières semaines avec le "shutdown" du gouvernement fédéral.

Vu de France on imagine souvent le gouvernement fédéral et en particulier le Président des États-Unis doté d'un pouvoir immense, c'est certainement vrai dans beaucoup de domaines, notamment militaire, mais le pouvoir de la Chambre des Représentants et du Sénat est sur bien des sujets encore plus important. Le fait qu'il n'existe pas d'équivalent au fameux article 49.3 de la constitution de la République Française empêche le gouvernement des États-Unis de passer en force en engageant sa responsabilité (au risque d'être censuré bien sûr). Ici comme en France le budget fédéral fait l'objet d'une loi qui doit être votée par l'assemblée, mais comme on l'a vu, s'il n'y a pas d'accord entre le gouvernement (en fait le Président) et la chambre des représentants, le budget n'est pas voté et le gouvernement, faute d'argent, s'arrête de fonctionner. Il en est de même avec le plafond la dette américaine qui ne peut en aucun cas être dépassé sans passer par une loi. Normalement, ce mode de fonctionnement est plutôt démocratique puisqu'il oblige les partis à se mettre d'accord par voie de négociation. C'est d'autant plus vrai actuellement, puisque la Chambre des Représentants est à majorité républicaine et le sénat démocrate. 

Là, faute d'accord le gouvernement s'est donc retrouvé sans budget et aux États-Unis quand on n'a plus de budget on arrête de travailler. C'est une notion assez difficile à comprendre pour des français pour qui (du moins pour moi) il est inconcevable que l’administration s'arrête de fonctionner. Deuxième point "étrange" quand les fonctionnaires ne peuvent plus travailler, ils ne sont plus payés ! Comme ça... du jour au lendemain... cette situation de chômage technique est qualifiée de "furlough" en anglais.

Là où les choses deviennent carrément surréalistes pour un français, c'est que les gens râlent à peine et restent chez eux en attendant la réouverture des administrations. J'imagine la même situation en France :-)
La réalité des choses est toutefois plus complexe et je ne suis pas certain d'avoir complètement compris. Le fait est que les parcs et monuments nationaux ont tout de suite fermé leurs portes, certains ont ré-ouverts avec un financement spécial des États concernés, comme le Grand Canyon par exemple. Les choses sont très pragmatiques ici ; si les grands parcs sont fermés il y a moins de touristes pour dépenser de l'argent et il y a moins de taxes qui rentrent dans les caisses des États, le calcul est vite fait : cela revient moins cher de financer la réouverture des parcs que d'attendre que la Chambre des Représentants veuille bien voter une loi, et en quelques jours les fonds ont été débloqués.

En allant nous promener à Tennessee Beach dans Marin Headlands nous avons constaté quelque chose de bien curieux : Le parc était accessible à pieds mais les "facilities" ne fonctionnaient pas (parking fermé, toilettes non nettoyées (beurk !), ...). Un garde était payé toute la journée pour empêcher les voitures d'accéder au parking, mais comme on est aux États-Unis et qu'on ne veut pas d'accident, les bas côtés de la route avaient été aménagés afin que les voitures puissent se garer. Nous n'avons pas vraiment compris la logique de la chose...  

Le laboratoire dans lequel je travaille est financé par le DOE (Department of Energy), il aurait donc dû s'arrêter, mais en fait non car il y avait, parait-il suffisamment de réserve en banque (oui, oui, l'argent des labos est à la banque !) pour fonctionner pendant 6 semaines. Par contre, la NASA s'est arrêtée immédiatement. Je ne peux pas croire que la NASA fonctionne sans aucune réserve, je pense plutôt qu'il était important de frapper l'opinion publique en fermant cette organisation emblématique. Du côté de mon labo, les conséquences ont été un arrêt total de la communication vers le public, et l'interdiction de voyager sauf cas très particulier, par contre tout le restant a continué à fonctionner comme si de rien n'était. Plus grave par contre, le projet LSST devait passer une revue déterminante pour son financement, celle-ci est reportée à une date ultérieure en raison du "shutdown".

Les choses sont maintenant reparties, le budget est débloqué, le plafond de la dette relevé, l'administration fédérale fonctionne, John Boehner, le Président républicain de la Chambre des Représentants semble avoir pris une grosse claque... Mais est-ce si sûr ? N'en sort-il pas renforcé politiquement ? J'avoue que ma méconnaissance de  la politique US ne me permet pas de répondre à cette question. De même, je n'ai pas encore tranché sur le fait de savoir si ce mode de fonctionnement surréaliste pour un français est une leçon de démocratie ou bien le signe que quelque chose ne fonctionne vraiment plus ici. En tout cas, cette crise a permis à la Chambre et au Sénat d'entamer des négociations sur le budget qui vont se poursuivre jusqu'en janvier, date à laquelle un nouveau vote devra avoir lieu, c'est un fait notable car depuis des mois, c'est un dialogue de sourds qui prévalait. Nous verrons donc au début de l'année prochaine si un accord est trouvé ou si on repart pour un nouveau "shutdown".

On pourra lire ici une analyse très intéressante du "shutdown" publiée sur le site de l'école de droit de L'Université de Stanford.


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