jeudi 7 mars 2019

La pierre gravée du marais de Lavours

Les marais de Lavours
Nous habitons la Haute-Savoie depuis près de 35 ans mais ce n'est que récemment que nous avons découvert les beautés du département voisin de l'Ain. Depuis, nous explorons et découvrons de bien beaux sites, comme le chateau de Montvéran à Culoz, celui de Machuraz, non loin d'Artemare dont le nom fait penser à quelques preux mousquetaires, la  cascade de Cerveyrieu ou encore les gorges de Thurignin. Bref, plus nous allons dans cette région, plus nous découvrons de paysages extraordinaires.

L'entrée de l'abri

Pour aller vers Culoz, on passe le Val de Fier, on remonte vers le sud sur la rive est du Rhône à travers la Chataugne puis on traverse le Pont de La Loi pour rejoindre le département de l'Ain. Depuis quelques temps, nous avions repéré les marais de Lavours sans nous arrêter. Récemment, j'ai donc décidé d'aller explorer ce fameux marais qui est fort bien aménagé avec un sentier sur pilotis (financé par l'Europe) qui s'enfonce en son au cœur.
Enchanté par la balade, dès mon retour j'ai fait quelques recherches sur Internet. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que quelque part dans le marais, se trouvait un abri-sous-roche orné d'une gravure énigmatique pouvant remonter à l'âge du bronze. Nous qui sommes passionnés d'archéologie et notamment de pétroglyphes indiens de l'ouest américain, c'était l'occasion de mettre en pratique nos techniques de recherche d'indices afin de localiser l'endroit et d'aller y jeter un coup d’œil, sachant qu'il y avait un risque non négligeable qu'il soit inaccessible ou introuvable.
Vue d'ensemble sur les gravures
La première surprise a été le très faible nombre de mentions de cette gravure sur Internet, la plupart d'entre elles ne faisaient qu'indiquer l'existence d'un abri sans donner plus de détails. Toutefois, deux références sortaient du lot pointant vers des articles scientifiques. Le premier, de Philippe Hameau était disponible en ligne et contenait suffisamment d'informations pour qu'à l'aide de Google Earth je puisse localiser le site avec un bon degré de confiance. Le deuxième article, de Robert Vilain et al. n'était pas accessible en ligne mais pouvait être commandé, ce que je fis...  
Détails de la partie droite du panneau
Le lendemain, munis de la localisation approximative de l'abri, Patricia et moi retournions sur place. Passage par le petit village très typique de Lavours puis via un chemin de terre nous arrivons près de l'endroit identifié. Le problème est que nous sommes en plein marais et que le terrain est... marécageux... Après plusieurs essais infructueux à patauger dans l'eau et la boue, nous trouvons finalement un passage avec un tronc fort bien placé pour franchir un ruisseau. Assez rapidement nous apercevons l'entrée de l'abri ou plutôt des abris, car comme mentionné dans l'article de Philippe Hameau, il y a une deuxième grotte fermée par une porte métallique.
Devant l'abri on voit nettement les traces des fouilles mentionnées dans l'article de Robert Vilain et al. qui sont maintenant recouvertes, ne laissant voir qu'une dépression dans le sol et le haut d'une petite échelle. Sur la paroi à droite de l'abri, la gravure est là, superbe ! Elle mesure environ deux mètres de long sur un de haut et est composée de plusieurs ensembles de lignes et de cupules. La plupart des motifs sont inscrits dans des rectangles plus ou moins marqués. 
Motif en forme d'ogive
Dans le bas de la gravure on trouve des motifs plus profondément gravés, certains de formes assez curieuses comme cette sorte d'ogive dont les traits se croisent au sommet et se prolongent. Le motif de la croix revient à plusieurs endroits. Certains motifs, notamment ceux situés sur la partie gauche ainsi que dans le bas, semblent réalisés avec beaucoup moins de soin, peut-être ont-ils été tracés par une autre main, peut-être sont-ils des tentatives maladroites et plus récentes de reproduire le style des autres gravures ?
La deuxième grotte est fermée par une porte métallique rouillée et ornée d'une croix. C'est un tombeau, qui abrite quatre stèles portant les noms de membres de la famille Drujon de Beaulieu et datant des années 1857 à 1872.
Les quatre stèles dans la deuxième grotte 
Les deux publications qui décrivent l'abri et ses gravures en donnent deux interprétations radicalement opposées. Robert Vilain et ses collaborateurs se basent sur le résultat des fouilles qui ont permis de mettre à jour tout un matériel dont  le plus ancien remonte à la toute fin de l'âge du bronze. Il s'agit notamment de tessons de poteries et de charbons de bois, ces derniers ayant permis une datation précise au 14C. Ces éléments attestent donc d'une présence humaine protohistorique. Les auteurs notent également des similitudes avec d'autres roches gravées telles que la "carte de Bedolina" dans le Valcamonica (Italie) datant de la fin de l'âge du bronze ou du début de l'âge du fer. Ils en concluent donc que le rocher de Lavours a probablement été gravé à la même époque. Nous avons nous même vus des gravures de ce style lorsque nous avons visité le parc de Seradina (voir photo).
Gravure du Valcamonica (Seradina)

Philippe Hameau met en avant la présence de la deuxième grotte ayant servie de tombe au 19ème siècle et propose l'idée que la l'abri gravé ait été un lieu de recueillement, les cupules étant des marques servant à matérialiser les prières et à en tenir le compte à la manière d'un chapelet.


Quant à nous, nous sommes perplexes ! L'emplacement de l'abri, à la base d'une petite colline (nommée mollard dans la région) nous fait un peu penser à certains sites de pétroglyphes indiens que nous vus dans l'ouest américain. On peut imaginer que ce promontoire en bordure de l'actuel marais ait pu avoir une dimension symbolique, voire magique pour les humains de l'âge du bronze. La similitude avec la "carte de Bedolina" est également indéniable...

L'hypothèse de Philippe Hameau pour une gravure relativement récente est également intéressante et elle a le mérite d'inclure la deuxième grotte. Mais il me parait difficilement concevable qu'aucune histoire locale ne relate l'étrange rite de ceux qui gravaient leurs prières dans la pierre...  Ceci dit les secrets sont bien gardés à Lavours puisque le site n'a été connu des archéologues qu'en 1989.


Détail de la gravure de Lavours
Nous comptons bien retourner sur les lieux et explorer les alentours. Qui sait, nous aurons peut-être une idée brillante ou ferons nous une autre découverte !

En tous cas, contre toute attente, il est possible de trouver en France des sites archéologiques très intéressants et d'accès ouvert pour qui veut prendre le temps de chercher un peu...

mercredi 28 mars 2018

Nouveau Mexique - Gila et le mystère des momies disparues

Après White Sands, direction Gila Cliff Dwelling National Monument, un site d'habitations indiennes à flanc de falaises dont j'avais lu des descriptions intéressantes avant de partir. Il y a quatre bonnes heures de route pour rejoindre Gila et probablement pas d'hébergement à proximité, nous procédons donc comme nous en avons l'habitude : on roule autant que l'on peut et sur le coup de 17-18 heures on cherche un motel via Booking.com. Nous passerons la nuit à Deming.
Mexican Spotted Owl
Le lendemain, il nous faut encore plus de deux heures de route pour finalement arriver à Gila. Le site principal avec les habitations indiennes n'est pas très grand, il y a essentiellement cinq cavités dans la falaises qui ont été aménagées par les indiens Mogollons (prononcer MogoYons). Dans la première partie du sentier, nous nous rendons compte qu'un couple est en train d'observer quelque chose que nous ne remarquons pas immédiatement, mais très vite nous apercevons une magnifique chouette dans un arbre tout près du chemin. Le couple nous indique qu'il s'agit d'une "Mexican Spotted Owl" (Strix occidentalis lucida), Patricia engage la conversation pendant que je prends plein de photos de ce superbe oiseau. Le couple se révèle être des passionnés d'ornithologie qui ont l'habitude de parcourir les parcs américains pour observer la faune. Ils nous expliquent, "bible" Peterson à l'appui, que cette chouette est très inhabituelle à cet endroit. C'est vraiment un chance pour nous d'être tombé sur des ornithologues passionnés car vue la couleur de l'animal qui se confond parfaitement avec les arbres, il est fort probable que nous ne l'ayons pas repéré.
Nous continuons la petite ascension vers le site principal et nous apercevons rapidement les constructions indiennes dans des alcôves à flanc de falaise. Bien que nous ayons déjà vu ce genre d'habitations à plusieurs reprises, nous sommes toujours impressionnés par la visite d'un nouveau site.
Dans les cinq excavations naturelles les Mogollons ont construit une quarantaine de pièces, certaines sont de simples greniers à grains, d'autres plus élaborées, parfois sur deux étages, servaient d'habitations. Il y a également une Kiva de forme inhabituelle (rectangulaire) qui avait probablement une fonction à la fois religieuse et sociale. Nous sommes toujours surpris par la qualité de ces constructions en pierre dont les murs intérieurs étaient soigneusement enduits et décorés par les femmes. 
Arrivés dans la première alcôve, nous trouvons un jeune "ranger" passionné qui nous donne plein de détails sur le site et voyant que nous sommes aussi passionnés que lui, nous montre des pictographes pas très évidents à repérer. Il nous emmène également voir une toute petite perle de pierre trouée en son centre ainsi qu'une pointe de flèche en obsidienne cachée sous une pierre. 
Le "ranger" nous confirme aussi ce que nous soupçonnions, à savoir qu'une partie des murs a été reconstruite. Le site a en effet été visité au 19 ème siècle par des personnes peu scrupuleuses qui n'ont pas hésité à casser les murs et à fouiller les lieux à la recherche de poteries et autres reliques. Outre ce vandalisme stupide et cupide (car les poteries ont bien sûr été vendues), le problème est que la reconstruction n'a pas toujours été très bien faite.  Le guide nous montre d'anciennes photos qui nous permettent de nous faire une idée plus précise des constructions originales. Le site, bien que très intéressant, surtout avec les explications du "ranger", nous laisse un peu sur notre faim et n'a pas la même magie que ceux que nous avons vus dans l'Utah l'année passée.
Comme à chaque visite, nous avons beaucoup de questions. Par exemple, pourquoi les Mogollons se sont-ils donné le mal de construire de telles habitations vers 1270 comme l'atteste l'analyse des troncs ayant servis de poutres, pour finalement quitter les lieux une vingtaine d'années plus tard ? La chose curieuse est d'ailleurs que toutes les habitations troglodytes  des "Four Corners" ont été abandonnées sur une période de 70 ans et les peuples se sont dispersés. L'explication la plus souvent donnée est l’occurrence d'une sécheresse persistante. Nous nous sommes aussi rendu compte qu'il est difficile de trouver des informations fiables allant au delà des quelques paragraphes écrits sur les brochures distribuées dans les "visitor centers". 
La Kiva
Nous avons l'impression persistante qu'on ne présente au public qu'une petite partie des sites et que d'une manière générale il y a un gros déficit d'études scientifiques. Nous savons par exemple que le site de Gila est occupé depuis 10,000 ans, les grottes ont d'abord servi d'abris de chasse et l'occupation par les Mogollons, bien qu’impressionnante au niveau des vestiges, ne représente en fait qu'une infime partie de l'histoire des lieux.
Une surprise viendra après notre retour en cherchant de la documentation pour rédiger cet article de blog. On apprend ainsi dans un document sur le site du National Park Service, qu'entre 1879 et 1889 trois momies d'enfants auraient été découvertes et envoyées au Smithsonian, mais que l'institution n'aurait jamais reçues. En 1912 une quatrième momie d'enfant aurait été trouvée et cette fois ci bien réceptionnée par le Smithsonian. Malheureusement, comme l'indique cet autre site, on ne trouve pas trace aujourd'hui de la momie dans l'inventaire du Smithsonian. La seule mention d'une momie qui pourrait correspondre, concerne le United States National Museum, affilié au Smithsonian entre 1881 et 1911 (notez l'incohérence des dates !). Depuis, plus de trace des momies... Peut-être que l'une d'entre elle est remisée dans un obscur sous-sol de la prestigieuse institution et refera surface un jour... 
Pictographe à Lower Scorpion Campground
Arrivés à la fin de la visite, le ranger nous indique un autre site tout proche au "Lower Scorpion Campground" avec quelques constructions dans des falaises et des pictographes. Il nous confie aussi que d'autres vestiges se trouvent quelque part sur les terres publiques gérées par le Bureau of Land Management (BLM) et que rien ne nous empêche de les chercher... Malheureusement nous savons bien que se lancer à la recherche de sites archéologiques sans indications initiales est mission impossible, nous repartons donc pour la suite du voyage avec une étape nocturne à Silver City dans un Motel sans prétention, tenu par un couple de japonais plutôt sympas. D'une manière générale, les villes du Nouveau Mexique ne sont pas exceptionnelles et ressemblent bien souvent à une grande zone commerciale où les fast-foods se succèdent.
Ruine troglodyte à Lower Scorpion Campground


L'ensemble des photos de Gila et des environs est visible ici.

dimanche 4 mars 2018

Nouveau Mexique

Réinstallés en France depuis un peu plus de deux ans, nous avons de temps en temps l'occasion de retourner aux États-Unis et nous en profitons pour visiter une région à la recherche de beaux paysages, si possible dans le désert, et de vestiges indiens. L'an dernier, nous étions parti en voiture de San Francisco vers les "Four Corners" c'est à dire les quatre états dont la frontière commune est un point : Utah, Colorado, Arizona et Nouveau Mexique. Nous avions en fait essentiellement passé du temps en Utah, notamment vers "Bear Ears National Monument" où nous avions vu des habitations indiennes dans les falaises (Cliff Dwelling) très peu connues et absolument extraordinaires. Cette année le but était de se concentrer sur le Nouveau Mexique.



Étant donné qu'il faut compter environ 16 heures de route pour aller de San Francisco à Albuquerque, nous avons opté cette fois pour un voyage en avion complété par une location de voiture à Albuquerque. En comptant le coût du carburant et de l'hébergement, c'est finalement à peine plus cher que de faire le trajet en voiture et cela permet surtout de maximiser le temps sur place. 
La carte ci-dessus montre notre périple. En tout, un peu plus de 2000 km en 10 jours, ce qui peut paraître beaucoup, mais est en fait habituel pour un voyages aux États-Unis.
Le fait de partir en hiver nous permet de faire des randonnées qui seraient très difficiles voire impossibles en été, ces régions sont en effet désertiques avec des températures et une sécheresse qui peuvent devenir extrêmes. Le risque d'un voyage en hiver est par contre de rencontrer de la neige et de ne pas pouvoir accéder aux sites, il vaut donc mieux prévoir des itinéraires de remplacement et être prêts à changer de plan.
Hauts plateaux à plus de 2000 m et canyons typiques du Nouveau Mexique
L'autre avantage d'aller dans ces régions en hiver est d'être pratiquement seuls à visiter les parcs.
Le Nouveau Mexique a une altitude moyenne de 1735 m, c'est en fait essentiellement un haut plateau creusé par des canyons. Nous étions surpris lors de nos premières randonnées d'être facilement essoufflés, nous avons alors réalisé que nous étions la plupart du temps autour de 2000 m. C'est perturbant car les paysages à cette altitude aux États-Unis n'ont rien à voir avec ceux que nous connaissons dans les Alpes. Les grands arbres sont encore bien présents à plus de 2000 m et il n'y a bien entendu pas d'alpages !
Bien plus qu'en Californie, au Nevada, au Colorado ou en Utah, au Nouveau Mexique nous sommes sur des territoires indiens chargés de culture et d'histoire. Une sorte de point de rencontre (de choc...) des civilisations indiennes, et espagnoles, puis plus tard des colons venus de l'est. Plus qu'ailleurs, nous étions au Far West ! 

Première étape : White Sands National Monument

Descendus de l'avion nous avons tout de suite filé vers le sud, pratiquement à la frontière mexicaine. Nuit à Alamogordo afin d'être dès le lendemain matin à White Sands, un désert de gypse d'un blanc éclatant, c'est le plus grand des trois seuls déserts blancs au monde. Il faut en effet des conditions très particulières pour que le gypse s'accumule par ruissellement le long des montagnes environnantes, qu'il se transforme en sable par abrasion, puis surtout qu'il reste en l'état, grâce à une humidité minimale.
Le monument national de White Sands jouxte la base militaire d'essai de missiles, cela vous dit d'ailleurs peut-être quelque chose, car c'est ici qu'à eu lieu l'essai de la première bombe atomique américaine "Trinity". L'accès au parc peut d'ailleurs être fermé lorsque les militaires procèdent à des essais. 
Arrivés au point de départ de la plus longue randonnée du parc qui mène au site de "Alkali Flat", nous sommes tout de suite mis en garde par des panneaux sur les dangers du lieu; il peut faire évidemment très chaud et le risque de déshydratation est réel, l'endroit avait d'ailleurs fait la une des journaux en 2015  quand un couple était mort déshydraté tout près de leur voiture, leur fils s'en était tiré de justesse. Les panneaux attirent aussi l'attention sur les risques de se perdre, sur le fait qu'il ne faut pas compter sur le GPS car parfois les militaires brouillent le signal et mettent en garde contre les diverses pertes d'objets dangereux par les avions qui survolent ! (toujours envie de visiter ?...). Le risque de se perdre est réel, tout est blanc, minéral, quasiment sans végétation et la chaleur, même en février, est intense dès que le soleil perce les nuages.
Le paysage est époustouflant, étonnant, grandiose... On progresse de dunes en dunes en suivant attentivement le cheminement indiqué par des poteaux du même genre de ceux qui marquent les pistes de skis. Les dunes se déplaçant au grès du vent, certains poteaux sont pratiquement recouverts. Dès qu'on s'éloigne du parking, il n'y a plus personne, seule la ronde incessante des jets - pénible parfois - nous rappelle qu'on est bien sur Terre !
En quelques rares endroits, des monticules formés par du gypse un peu plus dur offrent une protection contre le vent ainsi qu'un peu d'ombre et permettent à la végétation de pousser. L'eau n'est parait-il pas très loin sous la surface. Au fil des millénaires, la végétation des déserts de sable s'est adaptée afin bien sûr de résister à la sécheresse et aux températures extrêmes, mais aussi à l'érosion qui vient sapper le sable et met à jour les racines. 
Nous sommes toujours surpris de voir à quel point la vie est résiliente et s'accroche même dans les endroits les plus minéraux qui soient.
Après 1h30 à progresser difficilement dans les dunes (et à s'amuser dans le sable) on arrive finalement à Alkali Flat, une immense étendue plate, les dunes ne se forment pas ici. Nous savons que plus loin, beaucoup plus loin, se trouve le lac Lucero, qui parfois se couvre encore d'un peu d'eau, il y a là des dépôts de sélénite, minéral splendide à la transparence éphémère. Malheureusement c'est hors de notre portée pour ce voyage, il aurait fallut réserver une visite avec les rangers du parc.

L'après-midi, nous avons visité d'autres  parties de White Sands plus faciles d'accès. La zone qui se trouve juste à la limite du désert est particulièrement intéressante pour la flore (et sans doute aussi pour la faune que nous n'avons pas vue). Le ciel tout autour est devenu noir et menaçant, le désert blanc était comme préservé au milieu des gros nuages. Le contraste entre le noir du ciel et le blanc du sable était vraiment saisissant.
En fin d'après-midi, nous sommes repartis pour la suite de nos aventures.


L'ensemble des photos est visible ici en pleine résolution. 

dimanche 3 janvier 2016

Joshua Tree National Park

Est-ce qu'on vous a déjà dit que nous aimons bien le désert ? Oui probablement...

Parmi les désert californiens, on nous avait dit le plus grand bien de Joshua Tree National Park qui se trouve à l'est de Los Angeles et au sud du désert Mojave. Nous avons donc profité de la venue de Gaël pour organiser une visite de Joshua Tree sur le même mode que nos précédents voyages, à savoir : camping, randonnées et recherches de traces de présence indienne.

À partir du livre : "Hidden Joshua Tree" de Death Valley Jim, nous avons sélectionné un certain nombre de sites intéressants pour lesquels les coordonnées GPS sont disponibles. La plupart des sites décrits dans le livre ne sont pas référencés dans la documentation du parc et nous allons même très vite vérifier que comme l'explique Jim, ces sites sont volontairement cachés au grand public.

Nous avons planté nos tentes à "Black Rock Campground", près de l'entrée nord du parc. Il s'agit de l'un des deux seuls campings de Joshua Tree disposant d'eau, ce qui n'est pas strictement indispensable, mais est bien pratique quand même !

Joshua Tree
Étant arrivés le matin, nous avons consacré le reste de la journée à une randonnée à partir du camping permettant d'accéder à un panorama sur le parc. Après nous être un peu perdu, nous avons très vite compris que le fait de disposer des coordonnées GPS des sites ne garantissait pas de trouver les dits sites ! En effet, Joshua Tree est souvent un véritable chaos de rochers et de "washs" (lits à sec de torrents) et il est difficile de trouver le passage pour se rendre à un endroit donné. L'autre constatation est que Joshua Tree est un désert "vert", plein de végétation... ce qui peut sembler contradictoire avec la notion commune de désert. C'est incroyable, le nombre de plantes présentes dans le parc qui sont parfaitement adaptées au climat aride. Le plus emblématique représentant de cette végétation est évidemment le "Joshua Tree" ou Yucca brevifolia qui donne son nom au parc. Certains spécimens sont vraiment imposants, bien plus gros que ceux que nous avions déjà vus, à Red Rock Canyon par exemple.
La "Brunette" (contraste légèrement renforcé) 

Pour les premiers sites que nous voulions visiter, nous avons été chanceux car ceux-ci se trouvent proches du sentier balisé menant à "Barker Dam" et sont très facile d'accès. Nous avons d'ailleurs été amusés de voir des touristes passant à quelques mètres de pictographes indiens, sans les voir.

Les fils jumeaux du Soleil (renforcé avec DStretch)
Le premier site visité fut celui dit de la "Brunette",  une très jolie représentation féminine réalisée avec un pigment rouge et la tête surlignée de noir. Juste à côté, on distingue un autre pictographe pratiquement effacé mais qui se révèle très bien à l'aide du logiciel DStretch développé par Jon Harman. Ce site est à mettre en relation avec un autre, distant d'un peu plus d'un kilomètre et abritant une autre représentation féminine nommée "Red Lady" par Jim. Celle-ci se trouve au ras du sol, au pied d'un rocher s'appuyant sur un autre pour former une grotte. Jim indique qu'il s'agit probablement de deux sites indiens Chemehuevi célébrant la fertilité. Les peintures seraient liées à la légende de "la femme seule dans la grotte" qui raconte qu'un matin alors qu'elle écartait les jambes afin d'uriner, une femme fut pénétrée et mise enceinte par les rayons du soleil levant. Le dessin presque effacé du premier site serait alors une représentation des fils jumeaux du Soleil issus de cet étrange accouplement. Juste devant la grotte, se trouve un unique mortier qui est parait-il éclairé par le soleil au moment de l'équinoxe de printemps. Le rayon du soleil s'allongeant pour finalement plonger dans le mortier serait une autre représentation de cette légende. Nous n'étions pas là au moment de l'équinoxe, mais nous avons clairement vu un rai de soleil pointer vers le mortier et il est tout à fait possible que le phénomène en question soit réel. Par ailleurs, le site lui même a une symbolique sexuelle forte, avec sa grotte adossée à un rocher phallique. Je pense que cette configuration est tout à fait dans la philosophie des "complémentarités" du peuple Chemehuevi.
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RedLady
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Le site de RedLady
Contraste très renforcé avec DStretch
Entre les deux ladies, un autre site dénommé "Slab Rock Shelter" par Jim est un peu plus en dehors des sentiers touristiques mais sa localisation est aisée. Les pictographes sont très effacés et on ne les distingue correctement qu'au prix d'un traitement énergique des photos. L'endroit lui même est splendide avec de grandes tables de granit et on imagine aisément pourquoi les indiens sont venus là. Ici aussi on note la présence d'un unique mortier. Je me demande d'ailleurs si c'est bien la fonction qu'avait ce trou dans la roche, qui nous rappelle plutôt les Sipapus des Kiva de Mesa Verde qui symbolisent le portail par lequel les anciens sont sortis de la Terre pour rejoindre notre monde.

Juste devant la grotte, Patricia a trouvé une petite pierre percée en son centre. Est-ce une perle perdue par un(e) inden(ne) ? Nous ne sommes pas assez spécialistes pour le savoir. En tout cas, nous l'avons bien soigneusement reposée à sa place en espérant que d'autres pourront la redécouvrir et s'imaginer de belles histoires sans se l'approprier.

Le ranch Ohlson
Le site suivant nous fit passer devant les ruines du "Wonderland Ranch" construit dans les années 1900 par la famille Ohlson qui comme bien d'autres était venue pour tenter de faire fortune. La localisation du ranch et ce qui reste du barrage au dessus montre bien qu'il y a un siècle, le climat de la région devait être bien plus humide pour permettre l'élevage de bétail.

Un peu en amont du barrage se trouve un autre site nommé "High Noon pictograph" par Jim en raison d'un soleil peint au plafond d'une grotte. L'entrée de la grotte est discrète, mais on tient quasiment debout à l'intérieur. Les autres pictographes dans la grotte, constitués de traits, font penser à un système de comptage.

Surprise Rock
Nous en avions fini avec les sites faciles, le suivant se révéla bien plus difficile à trouver et nécessita plusieurs essais infructueux, se terminant invariablement sur une barrière insurmontable de rochers. Nous avons même du renoncer le premier jour en raison de la tombée de la nuit. Le lendemain, nous avons finalement pu atteindre les gravures et les peintures de "Surprise Rock". Là les représentations sont très diverses, formant un panneau complexe dans lequel on reconnait des figures anthropoïdes, des lignes ondulées (représentant probablement de l'eau) et toute sorte d'autres formes dont la symbolique nous échappe.

L'arrastra de Pinto Wye
Plus à l'est, nous voulions absolument voir l'arrastra de Pinto Wye. Il s'agit d'un système primitif pour réduire le minerai d'or en poussière afin d'amalgamer celui-ci avec du mercure. Cette arrastra est particulière car construite à partir de moyeux de roues en bois. Des bras fixés sur les moyeux tirent de gros blocs de pierre qui broient le minerai. L'arrastra est au milieu de nul part, nous avons donc opté pour la méthode "je trace tout droit au milieu des rochers" en suivant le cap donné par le GPS. En regardant l'arrastra, nous avons vraiment eu du mal à comprendre comment ce mécanisme pouvait broyer de la roche sans se briser au bout de quelques tours de roue.

J'avais vraiment envie de trouver "Carey's Castle" et la cache contenant de nombreux effets personnels ayant appartenu à Arthur Loyd Cary arrivé vers 1935 dans la région pour travailler dans l'exploitation minière. La description des lieux faite par Death Valley Jim est vraiment impressionnante et attirante. Malheureusement il a fallut se rendre à l'évidence; trouver "Carey's Castle" est très difficile et nécessite beaucoup de temps et d'efforts physiques. Nous avons donc renoncé (pour cette fois) et nous avons terminé notre séjour avec la visite de "Lost Palm Oasis" qui permet de découvrir une splendide oasis au milieu du désert avec des palmiers énormes. Ce soir là nous sommes revenus à la voiture à la lueur des frontales après avoir admiré un véritable feu d'artifice de couleurs au coucher du soleil.




samedi 5 décembre 2015

Death Valley - Encore une fois...

À chaque fois que nous sommes allés à Death Valley, nous en sommes revenus enchantés et avec une envie encore plus grande d'y retourner. Ce parc est immense et comprend en fait plusieurs vallées séparées par des massifs montagneux. En préparant nos visites, nous nous sommes rendu compte que la plupart des sites intéressants ne sont pas répertoriés dans la documentation officielle du parc et qu'il faut vraiment passer du temps sur le Web pour découvrir les merveilles qu'il recèle. Cet état de fait est voulu pour probablement tenter d'éviter que des imprudents s'aventurent trop loin des sentiers balisés et risquent leur vie lorsque la chaleur est suffocante et l'humidité quasi nulle, mais c'est aussi une manière de protéger les sites et notamment les vestiges préhistoriques indiens.

Désert, vestiges, indiens, "trésors" cachés, voilà qui ne pouvait qu'aiguiser notre curiosité et nous inciter à creuser l'affaire...


Les pétroglyphes représentant des femmes enceintes à Saline Valley
Lors de précédentes recherches sur les pétroglyphes indiens, nous avions découvert les livres et le site Web de Death Valley Jim, personnage intéressant et haut en couleur qui court les déserts de l'ouest américain depuis des années et revendique de n'être jamais allé plus au nord que Bishop car "il y a vraiment trop d'arbres là-bas !" Jim a écrit plusieurs livres sur les sites qu'il a visités et parfois même découverts ; ces ouvrages sont très mal vus par les services du parc car ils donnent des indications trop précises sur les lieux décrits. Constatant que cette personne était une vraie mine de connaissances, nous sommes vite devenus des fans inconditionnels de Jim : livres, page Facebook, site web, podcasts, ... avec le rêve de l'engager comme guide pour une nouvelle virée dans le désert. L'occasion s'est finalement présentée le mois dernier. 


Le bat-totem qui signale l'arrivée aux sources
Patricia et moi avions été fascinés par un article de Jim sur des pétroglyphes représentant des femmes enceintes et des condors. Avec les indications figurant dans celui-ci et l'aide de Google Earth, nous étions quasiment certains d'avoir localisé les fameuses falaises blanches servant de support aux gravures, mais celles-ci se situaient dans une zone accessible uniquement en 4x4, donc hors de portée de notre Nissan. L'étude des images dans Google Earth nous a révélé que pas loin du site se trouvaient des sources chaudes et un camping accessibles avec notre véhicule. Rendez-vous fut donc pris avec Jim pour une visite sur deux jours. Nous avions précisé que nous voulions voir les pétroglyphes mais lui avions laissé carte blanche pour organiser le restant du temps.

L'accès aux sources chaudes se fait via une piste de 80 km et il faut bien compter un minimum de trois heures pour la parcourir. Après une dizaine de km nous sommes tombés sur un couple de touristes attendant près d'un véhicule avec un pneu en lambeaux. Leur voiture de location était dépourvu de cric ! C'est le genre de mésaventures banales qui peut tourner au tragique en plein été si l'on n'a pas suffisamment d'eau (les touristes en question n'avaient visiblement que quelques canettes d'Ice Tea). De notre côté, nous partons toujours avec une roue de secours en plus de la roue "galette" standard, plus une bombe anti-crevaison.
L'un des bassins alimentés par la source Palm Spring

Après les kilomètres de piste au milieu de désert, on contourne "Salt Lake", puis il faut prendre à droite une nouvelle piste improbable, juste signalée par un morceau de chenille de tank. On traverse alors la vallée jusqu'à un curieux totem orné de chauve-souris qui signale l'arrivée aux "Lower Hot Springs", véritable oasis avec palmiers et pelouse. Un peu plus haut, nous atteignons notre destination aux "Middle Springs". Ces sources sont une curiosité ; elles ont été aménagées dans les années 60 par quelques hippies et sont maintenant toujours entretenues par une communauté de bénévoles, plus où moins tolérée par le Parc National de Death Valley. On y trouve des bassins, des baignoires, des douches, ainsi que les toilettes sèches les plus propres que nous ayons jamais vues ou plutôt senties ! Les habitués des sources se baignent généralement tout nus, mais le maillot de bain ne pose pas de problème... Et franchement, quel délice de faire trempette dans cette eau à 38-40 degrés, la tête sous les étoiles, après une journée de randonnée ou de "secouage" en Jeep !

Nous sommes arrivés en même temps que Jim, un peu avant la tombée de la nuit. L'installation fut compliquée par un vent très fort et plutôt froid qui nous a empêchés de monter la grande tente. Le vent dans le désert est particulièrement pénible car la poussière de sable s'insinue partout et recouvre tout.
Patricia devant les "Upper Hot Springs"
Le lendemain matin, nous partons en Jeep avec Jim en direction des "White Cliffs" et nous constatons très vite que l'accès aurait été impossible avec notre voiture. Nous faisons une halte aux "Upper Hot Springs" qui ne sont pas aménagées et se présentent donc comme une oasis naturelle, malheureusement un peu gâchées par un horrible grillage sensé les protéger des ânes sauvages. Après encore quelques kilomètres en Jeep, nous nous arrêtons et nous nous dirigeons à pied vers des falaises blanches. Petite satisfaction personnelle ; elles se trouvent bien à l'endroit que nous avions localisé sur Google Earth. Nous rentrons dans le canyon et Jim nous montre les pétroglyphes représentant des femmes enceintes avec un ventre tout rond et un nombril bien creusé. Nous sommes ravis ! Jim précise qu'il ne connait qu'un seul autre site avec ce genre de représentations et qu'il se trouve également dans des falaises blanches ; est-ce une coïncidence ? Qu'elle est la signification des gravures ? Sanctuaire dédié à la fertilité ? Maternité ? Beaucoup de questions et pas de réponses ; juste le plaisir d'imaginer ce peuple gravant la pierre il y a peut-être des milliers d'années. Nous sommes d'ailleurs étonnés de constater à quel point il y a peu d'informations, comme si les archéologues étaient démunis face à ces sites.


Les condors
Un tout petit peu plus loin dans le canyon, Jim nous montre une grande fresque avec des condors dont les poitrails ont été piquetés. Ces représentations  sont étonnantes puisqu'il n'y a actuellement plus de condors dans cette région. Mais, pour avoir eu la chance d'observer un condor californien au Grand Canyon, nous pouvons facilement imaginer que cet oiseau majestueux  ait pu marquer l'esprit des artistes indiens.

A proximité de la fresque, un cercle de pierres adossé à la falaise est certainement un vestige du peuple qui a gravé les pétroglyphes il y a quelques siècles. Et puis partout, des éclats d'obsidienne sont aussi les témoins de l'activité humaines passée. Quand on pense que ce matériau n'existe pas dans la région, on se prend à imaginer les échanges qui ont dû avoir lieu entre les peuples au gré des migrations et des explorations. Ces morceaux d'obsidienne devait représenter un trésor fabuleux pour les gens de Saline Valley, contre quoi les échangeaient-ils ?
Cercle de pierre dans "Hunter Canyon"
L'après-midi, Jim nous emmène de l'autre côté de la vallée à "Hunter Canyon". Nous sommes d'abord surpris de voir de l'eau, pas mal d'eau... et Jim nous précise que les sources coulent toute l'année. Ce n'est donc pas si étonnant de trouver les restes d'un village indien. Oh, on peut facilement passer sans les voir, mais quand on nous montre les cercles de pierres, les meules, les pétroglyphes et les tombes, alors tout devient clair. Des centaines d'indiens ont vécu ici, les derniers ont parait-il coexisté avec les mineurs jusque dans les années 50. 


Des pétroglyphes plutôt abstraits
Jim nous explique que les cercles de pierres sont les fondations sur lesquelles s'appuyaient des assemblages de bois qui formaient les tipis. Jim connait l'endroit comme sa poche, il nous emmène d'un site à un autre en nous décodant les traces du passé. À un moment, il y a tellement de pétroglyphes autour de nous qu'il est difficile de ne pas marcher dessus. Nous voulions en voir, nous voilà servi... Les tombes sont particulièrement émouvantes, des centaines de gens ont été enterrés ici ; combien de deuils, combien de drames ? Mais on se dit aussi qu'il devait faire bon vivre quand le climat était moins chaud, que le lac était plein et que les sources coulaient au milieu des champs et que les "bighorns" étaient abondants.

En fin d'après-midi, nous rejoignons notre campement ; réparation et montage de la grande tente puisque le vent est tombé, et... trempette dans les sources chaudes, un véritable délice ! Nous ne savons pas exactement ce que Jim nous réserve pour le lendemain, il nous parle juste de pictographes.
Les pictographes de "Hidden Valley"
Nous repartons le matin, direction le "South Pass" par lequel nous sommes arrivés l'avant veille. Nous nous arrêtons pour observer quelques pétroglyphes que Jim nous avoue avoir découvert en allant faire pipi, puis nous rejoignons "Hidden Valley", Patricia en saute presque de joie. C'est l'un des endroit les plus isolés du parc, nous en rêvions, mais nous pensions ne jamais avoir l'occasion d'y aller. La route est éprouvante et nous sommes secoués dans tous les sens, puis finalement Jim arrête la Jeep et nous emmène au milieu des buissons de créosote (larrea tridentata), des cactus et des Joshua Trees. 
Un bighorn bien discret se cache sur ce rocher...

Finalement, il contourne un massif rocheux et nous désigne une petite grotte dons les parois sont couvertes de dessins réalisés avec un pigment rouge, parait-il fabriqué à partir d'argile et d'urine. Les motifs sont surtout des grandes lignes plus ou moins parallèles qui me font un peut penser aux gravures de condor vues la veille. On trouve aussi  des ovales striés évoquant des empreintes de mocassins (?). Jim nous dit avoir trouvé des branches de sauges brûlées qui lui font penser que l'endroit est encore fréquenté aujourd'hui pour des cérémonies traditionnelles. Nous observons les alentours et Patricia repère un splendide pétroglyphe représentant un bighorn que Jim, n'avait jamais vu. Mathilde, de son côté, trouve plein de morceaux d'obsidienne.


Racetrack playa
Pour le retour, Jim nous propose d'emprunter une autre route via Teakettle junction et Racetrack Playa, l'endroit où les pierres bougent toutes seules. Nous avions visité ces sites lors de notre dernier périple, mais nous sommes ravis de les revoir et de les faire découvrir à Mathilde. Nous rejoignons ensuite Saline Valley par la fameuse Lippincott road, réputée être particulièrement dangereuse. En fait, la piste est vertigineuse mais bien moins mauvaise que ce que nous pensions.


Beveridge cabin
Jim a encore un site qu'il veut nous faire découvrir, il s'agit de "Beveridge canyon" ; pas de pétroglyphes ici, mais une maison de mineurs abandonnée en l'état et des cascades. La maison est incroyable, tout le matériel a été laissé sur place, la porte est ouverte et les visiteurs laissent juste un mot dans un registre pour indiquer qu'ils sont passés. Jim nous explique que durant la deuxième guerre mondiale tout le pays s'est recentré sur l'essentiel et beaucoup de mines de Death Valley ont été abandonnées du jour au lendemain. Ce fut un peu un choc pour moi de prendre conscience de cette réalité, l'école m'avait un peu fait croire que les américains avaient débarqués "comme ça" en Normandie sans préparation et presque sans efforts de la part de la population restée sur place. En regardant cette maison à l'entrée du canyon, on imagine la tristesse de ces gens qui avaient mis tout leurs espoirs dans l'exploitation minière au cœur d'un endroit magnifique et qui ont dû tout quitter. 
La deuxième cascade de Beveridge canyon

En crapahutant dans les rochers, nous atteignons finalement la première puis la deuxième cascade. Jim nous dit qu'il y en a quatre, mais nous n'avons pas le temps et probablement pas la dextérité nécessaire pour rejoindre les deux autres. 

Au delà des cascades, il y a aussi la ville fantôme de Beveridge, accessible uniquement pour les plus téméraires après deux jours de marche difficile. Nous y pensons sérieusement pour une prochaine fois... Mais pour l'instant nous retournons simplement au campement pour un bain dans les sources chaudes. 

C'est probablement la plus belle visite que nous ayons faite dans Death Valley. 


Notre campement à Palm Spring 

samedi 8 août 2015

Mission Creek - Les maisons flottantes de San Francisco

Si vous demandez à une habitante de San Francisco où se trouvent les maisons flottantes ? Il y a de grandes chances qu'elle vous envoie à Sausalito, de l'autre côté du Golden Gate Bridge. Et pourtant, il y a bien des maisons flottantes à San Francisco même. Je les ai découvertes par hasard en me perdant en voiture dans les quartiers à l'est de la ville, vers China Basin et le stade AT&T. Tout ce quartier est en pleine réfection, et abandonne ses ruines industrielles pour de très chics immeubles. 

Au milieu des travaux, coincé entre les immeubles et l'autoroute, se trouve une rivière canalisée nommée "Mission Creek" et bordée de maisons-bateaux multicolores. Mission Creek reçoit les eaux de plusieurs rivières naturelles aujourd'hui canalisées et était déjà habitée par les indiens Ramaytush (signifiant : "le peuple de l'autre côté de la mer"), bien avant l'arrivée des colons.

Dans les années 60, Mission Creek était habitée par quelques vieux marins "rugueux" et ne voulant surtout ne rien n'avoir à faire avec le restant de la ville. La rivière était alors un égout à ciel ouvert qui fut par la suite assaini grâce à l'installation d'un système de traitement des eaux usées. La population changea en gardant toutefois un côté un peu marginal et en décalage par rapport aux "hipsters" ou "bobos branchés" de San Francisco. Il est difficile de trouver des informations sur ces bateaux flottants, mais il semble bien que leur préservation fut le résultat d’âpres combats, dont deux femmes furent les héroïnes : Ruth Huffaker et Betty Boatright (nom prédestiné ?).

Quand nous y sommes allés il y a quelques semaines, nous avons eu la surprise de tomber au moment d'une fête de quartier haute en couleur. Curieusement j'ai eu l'impression de n'être que toléré en ces lieux, la fête étant visiblement  organisée par les habitants pour les habitants. Oh, pas d'animosité, juste l'impression d'être transparent... Chance, le portail du jardin communautaire était ouvert et nous avons pu y jeter un coup d’œil ; très beau, paisible et juste superbement décalé par rapport à la frénésie de la ville. Nous avons bien essayé de lancer la conversation avec la personne tenant la buvette, mais sans grand succès, nous avons juste su qu'elle habitait la maison-bateau juste derrière.
Ceci contraste beaucoup avec la nature habituelle des californiens qui aiment discuter et raconter ce qu'ils font. Les gens là bas seraient-ils des extra-terrestres comme le laisserait supposer ce bateau en forme de soucoupe volante ornée de multiples ampoules colorées? Ou bien sont-ils simplement des fans d'OSS 117 et de son pédalo canard

Dans tous les cas le lieu vaut le détour et nous y retournerons. Qui sait, peut-être saurons nous finalement apprivoiser ces gens étonnants qui aspirent certainement à vivre tranquillement et souhaitent préserver une certaine façon de vivre ?